Soutenez par votre signature la Tribune commune FNMR, SAR et SNRO en faveur du dépistage organisé du cancer du poumon : « Le dépistage organisé, le geste barrière contre le cancer du poumon ».
TRIBUNE (à paraître le 18 novembre)
Le dépistage organisé, le geste barrière contre le cancer du poumon.
Le cancer du poumon est en France un des cancers les plus fréquents et le plus meurtrier. Il provoque plus de 33 000 décès chaque année. Il touche aussi bien les femmes que les hommes et se déclare souvent chez les personnes de plus de 60 ans, mais peut également survenir chez des personnes plus jeunes. Jusqu’à récemment, aucun moyen diagnostic ne permettait un dépistage précoce, efficace.
Plusieurs études, en Europe et aux États-Unis, ont montré que le dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner basse dose permettait une réduction de la mortalité de 20%. L’étude néerlando-belge (Nelson), publiée en janvier 2020 dans le New England Journal of Medecine, confirme les résultats en montrant chez les populations ciblées à risque une baisse de 25% chez les hommes et plus de 40% chez les femmes.
La radiographie pulmonaire est totalement non contributive aux stades précoces, ceux où une thérapeutique, le plus souvent efficace, peut être proposée. Seul le scanner permet de dépister de petites lésions inférieures ou égales à 5 mm. Jusqu’à ces dernières années, les protocoles de réalisation pouvaient être considérés comme trop exposants aux rayons X pour le généraliser.
Mais depuis 5 ans, une nouvelle génération de scanners existe : les scanners basse dose. L’acquisition des images est faite à bas kilovoltage, diminuant ainsi la dose de rayons X nécessaires et l’image est améliorée par l’utilisation d’algorithmes de reconstruction. L’efficacité est telle que la dose utilisée est inférieure à celle d’une radiographie pulmonaire standard. L’interprétation des images est réalisée par des médecins radiologues formés spécialement et le plus souvent assistés par des outils d’aide au diagnostic (OAD) permettant une mesure plus rapide et précise des éventuels nodules découverts.
Depuis cinq ans environ, aux États-Unis, certaines compagnies d’assurance santé ont décidé de faire passer un tel examen à leurs sociétaires à risque.
En France, rien n’est encore au programme.
Pourtant, l’étude Nelson semblait avoir enfin apporté des éléments aptes à faire reconsidérer la profonde opposition des autorités publiques et sanitaires, telle que la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2016 face au bénéfice d’un dépistage chez les personnes à risques. Il n’en est rien. L’académie de médecine a depuis rejoint la HAS et d’autres institutions dans leur résistance.
Mais, nous ne sommes pas les seuls dans l’univers médical à défendre l’idée d’un dépistage du cancer broncho-pulmonaire (CBP) chez les patients à risque. Une task-force[1] regroupant des cancérologues, des pneumologues et des radiologues thoraciques, a récemment publié[2] des recommandations, prudentes et respectueuses des réserves émises par l’Académie.
Ce que nous proposons : un dépistage qui concerne les patients fumeurs, ou sevrés depuis moins de 10 ans, entre 50 et 74 ans (seuil à 10 cigarettes par jour pendant 30 ans ou 15/j pendant 25 ans), informés et consentants, acceptant une démarche de sevrage (ce point est essentiel et apporte une valeur ajoutée à la démarche). Le protocole consiste à proposer à 50 ans un scanner thoracique (et non une radiographie), à faible dose et sans injection de produit de contraste. La lecture est faite sur console. Une seconde lecture par CAD plutôt que par un autre radiologue est ensuite recommandée. Les radiologues doivent avoir reçu une formation spécifique validée, rédiger leur compte rendu sur une base commune et les scanners avoir bénéficié d’un contrôle qualité. L’examen, si négatif et sans autres facteurs de risque, sera réitéré à un an, puis tous les deux ans jusqu’à 74 ans. Cette méthode a déjà fait ses preuves depuis longtemps : c’est celle utilisée pour le dépistage organisé du cancer du sein. On pourra discuter de la soutenabilité d’un tel dispositif dans le « meilleur système de santé du monde » et peut-être adapter les rythmes de surveillance, les modalités de lecture ou de convocation, mais c’est le devoir de tout médecin au fait des données que d’initier la démarche. Une démarche à but préventif commandée par le serment que nous avons fait, et désormais par des données scientifiques internationales solides.
Le financement est bien sûr un sujet. Il va au-delà du coût de l’examen, puisque c’est toute une démarche préventive et thérapeutique qui est mise en place autour du patient. Le dépistage en découvrant de petites lésions accessibles à un traitement rapide permet de réaliser d’importantes économies sur des traitements plus lourds et onéreux.
Gageons que notre détermination depuis des années (amendements déposés par des parlementaires dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour une expérimentation du dépistage dans une ou deux régions française) nous amènera à faire bouger les lignes et aboutir à un consensus de la part de l’ensemble des acteurs institutionnels, libéraux et hospitaliers en faveur d’un dépistage organisé du cancer du poumon, France entière, à partir de 50 ans.
Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR)
Syndicat National de l’Appareil Respiratoire (SAR)
Syndicat National des Radiothérapeutes Oncologues (SNRO)
[1] Intergroupe francophone de cancérologie thoracique, de la Société de pneumologie de langue française, et de la Société d’imagerie thoracique sur le dépistage
[2] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0761842521000437?via%3Dihub