Fin 2018, les pouvoirs publics initiaient une expérimentation de télésurveillance baptisée ETAPES (Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé). Les objectifs de son déploiement étaient de fixer des tarifs préfigurateurs, de cibler les patients à risque d’hospitalisations récurrentes ou de complications, de parvenir à stabiliser voire à améliorer la maladie grâce à une surveillance adaptée et personnalisée, et d’accroître la qualité des soins et leur efficience ainsi que la qualité de vie des patients.
La télésurveillance a pour objet de « permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. » Elle induit un suivi d’indicateurs cliniques ou biocliniques à distance. Décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine
« L’expérience ETAPES propose une télésurveillance proprement dite ainsi qu’un accompagnement thérapeutique grâce à des solutions techniques dédiées dans cinq contextes cliniques, synthétise le Dr François Jounieaux, médecin responsable du programme ETAPES Hauts-de-France pour la pneumologie, en partenariat avec l’URPS Hauts-de-France. Il s’agit du diabète de type 1, de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffisance rénale chronique, des prothèses cardiaques implantables et de l’insuffisance respiratoire. Dans ce dernier cadre, cela concerne exclusivement les personnes adultes insuffisantes respiratoires chroniques sous ventilation non invasive (patients BPCO ou obèses hypoventilants). L’objectif auquel songent la Fédération française de pneumologie et le SAR notamment, est d’étendre à plus ou moins long terme la télésurveillance aux autres populations insuffisantes respiratoires. »
Cette expérimentation devait prendra fin au 31 décembre 2021, mais en raison de l’épidémie de Covid-19, elle a été prorogée jusqu’en juin 2022, date à laquelle l’Assurance-maladie devrait acter l’entrée dans le droit commun de l’acte de télésurveillance.
« A ce stade, le nombre d’inclusions est biaisé en raison de la crise sanitaire, avec plusieurs centaines de patients inclus dans les Hauts-de France, estime François Jounieaux. Nous ne disposons pas encore des données médico-économiques (nombre d’hospitalisations, recours aux soins, etc.). De plus, avec l’URPS Hauts-de-France, nous avons envoyé un questionnaire de satisfaction aux patients inclus dont nous attendons les retours. En ce qui concerne les retours de la part des médecins, il y a du positif et du « moins positif ». Parmi les points positifs, figure un monitoring du patient de bien meilleure qualité, quasiment quotidien sur les paramètres ventilatoires du patient et ceux liés à la ventilation, les fuites, les apnées, la fréquence respiratoire, etc., avec la possibilité de corriger rapidement. A mon sens, il ne sera plus possible de revenir en arrière. Je suis aussi convaincu, mais cela reste à démontrer, qu’il y a un effet sur la qualité de la ventilation, indépendamment des réglages, et de l’observance, avec une satisfaction globale des patients d’être mieux suivis et sécurisés. »
Là où le bât blesse, c’est dans l’aspect très chronophage du système, « générant un afflux de données à exploiter dont on ne sait pas précisément aujourd’hui qui va les traiter, qui sera responsable sur le plan médico-légal de leur traitement et de l’éventuelle réaction en cas de danger pour le patient, souligne François Jounieaux. Nous utilisons des filtres afin de réduire les alertes non urgentes, lesquelles doivent cependant rester sensibles et spécifiques. Une des solutions envisagées pour soulager la charge de travail du médecin, mais encore à débattre et à financer, serait de responsabiliser le prestataire vis-à-vis des alertes (leur système de gestion de la PPC est déjà en place) et de faire en sorte que le médecin soit positionné en seconde ligne, en cas de problème médical. Un autre souci réside dans l’accompagnement thérapeutique, lequel est déjà inclus dans le programme ETAPES. C’est un frein certain à la participation des médecins qui ne disposent pas de moyens et de personnel dédiés. »
« Le service rendu au patient par la télésurveillance est incontestable ; mais la logistique, l’aspect médico-légal et le financement socialisé posent un problème pour qu’elle soit pérennisée et qu’elle implique les pneumologues libéraux. Parmi les possibilités : une collaboration entre les prestataires de services en charge de la VNI et de la PPC ; ou encore l’instauration par les URPS d’une cellule dédiée à la gestion des alertes. Cela permettrait par ailleurs de rester propriétaires des données médicales de nos patients. »
Pour en savoir plus : 9 recommandations ont été édictées par les parties prenantes afin de préparer le futur du financement socialisé de la télésurveillance à l’issue du programme ETAPES. La principale orientation retenue est la mise en place d’une rémunération au forfait associée à la création de lignes génériques pour les pathologies actuellement concernées par les expérimentations ETAPES. De même, la mise en place d’une évaluation adaptée aux dispositifs de télésurveillance et d’incitatifs à la qualité des prises en charge semble nécessaires à un déploiement pérenne de la télésurveillance en France.
Thérapies. Télésurveillance et expérimentations ETAPES. Quelle pérennité après 2021 : quel modèle organisationnel et financement ? Vol 75 – N° 1 P. 29-42 – janvier 2020 Doi : 10.1016/j.therap.2019.11.003 https://www.em-consulte.com/article/1353704/telesurveillance-et-experimentations-etapes-quelle
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