Le point sur les hybrides inhalés, par le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue libéral (Le Pradet) et président de Santé respiratoire France, association mixte professionnels de santé-patients.
« Santé respiratoire France, avec d’autres associations comme Asthme & Allergies, l’Association des Asthmatiques Sévères et la Gregory Pariente Foundation, a pris la tête d’un combat qu’elle estime juste. En effet, deux textes nécessaires à la mise en œuvre de la substitution par les dispositifs hybrides inhalés ont été publiés au Journal officiel du 3 février 2023. Il semble que le danger soit bien réel, du fait d’une incitation financière à substituer pour les pharmaciens.
Or, la substitution des hybrides inhalés pourrait compromettre l’observance chez les patients asthmatiques ou ayant une BPCO, a fortiori chez des personnes âgées et polymédiquées ou encore chez des adolescents souvent peu observants. Il est bien démontré qu’une moindre observance engendre un risque vital de dégradation de la pathologie bronchopulmonaire, par le biais des exacerbations, notamment. Nous réfutons le bien-fondé des modalités définies par les autorités sanitaires qui ont opté pour une substitution très extensive ; les seules possibilités d’exclusion étant une forme galénique inadaptée chez l’enfant de moins de 6 ans ou une contre-indication démontrée à un excipient.
Si, à ce jour, le registre des groupes hybrides inhalés est encore vide – aucune spécialité appartenant aux classes ATC R03A et R03B n’y est inscrite – cela ne saurait tarder. Il est encore temps pour l’ANSM de faire en sorte qu’aucune spécialité appartenant à ces deux classes ayant des dispositifs inhalés différents n’y figure. Sinon, dans quelques semaines, les plus de 4 millions de patients atteints d’asthme et les 3,5 millions souffrant de BPCO pourraient ainsi se voir substituer le dispositif auquel ils sont habitués, sans aucune formation. Nous le savons parfaitement, le choix du dispositif d’administration par inhalation doit rester un acte médical, discuté au sein du colloque singulier, garant d’un accompagnement thérapeutique adapté et d’une bonne observance, comme figurant dans le GOLD et le GINA. Nous le constatons tous, l’observance est un challenge quotidien avec nos patients (aux alentours de 50 %) (1,2,3). Ces efforts pourraient être réduits à néant par l’interchangeabilité des produits inhalés ; la substitution serait effectuée par le pharmacien sans l’avis du médecin en amont.
On pourrait nous rétorquer qu’une formation des patients sera mise en place lors de la substitution. C’est à notre sens un vœu pieux alors que déjà 37 % des patients BPCO n’ont jamais été formés à l’utilisation de leur(s) inhalateur(s)(2), un chiffre confirmé par la littérature. Enfin, un argument décisif est qu’il n’existe pas de preuve de l’efficacité des hybrides inhalés lorsque que le principe actif n’a pas été délivré par le dispositif d’administration pour lequel il a été conçu. Le dispositif et la molécule qu’il contient sont liés. Or, tels que définis dans le Code de la santé publique, les médicaments hybrides peuvent présenter des différences significatives avec la spécialité princeps et largement supérieures comparativement à un générique, que ce soit en termes d’indications thérapeutiques, de forme pharmaceutique, de dosage ou de voie d’administration ou lorsque la bioéquivalence par rapport à cette spécialité de référence n’a pu être démontrée par des études de biodisponibilité. Dans une tribune publiée dans Le Quotidien du médecin (le 12 mai 2023), nous avons pris position en demandant qu’il soit sursis à l’inscription au registre des groupes hybrides des médicaments ayant des dispositifs inhalés différents. Un parcours de substitution adéquat devra être construit en concertation avec les patients et médecins et l’éventuelle substitution soumise à l’accord du patient. Une information encadrée et obligatoire devra être dispensée par le médecin prescripteur et par le pharmacien qui substitue, sans quoi le patient sera en droit de s’opposer à cette substitution. Les arrêtés concernés du Ministère de la Santé et de la Prévention doivent être modifiés pour ajouter la dissimilarité des dispositifs aux critères d’exclusion. Nous allons interpeller le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun sur ce point. Nous vous informerons des avancées sur ce dossier. »
Références
(1) GINA : 50 % de patients non adhérents – Cf p.89 du GINA 2022 “Approximately 50% of adults on long-term therapy for asthma fail to take medications as directed at least part of the time”
(2) Enquête conduite par le Living Lab de l’association Santé respiratoire France (RespiLab), (Enquête avec comité scientifique « Formation des patients BPCO à l’utilisation des inhalateurs »).2019, SFR.
(3) Molimard M, Raherison C, Lignot S, et al. Chronic obstructive pulmonary disease exacerbation and inhaler device handling: real-life assessment of 2935 patients. The European respiratory journal. 2017;49(2)
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