« Les pratiques ont changé, la nomenclature doit s’adapter ». Dr Benjamin Huret, pneumologue libéral (Marcq-en-Barœul), membre du Comité clinique d’experts médicaux en pneumologie du Haut Conseil des nomenclatures.
Le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a installé le Haut conseil des nomenclatures (HCN) en septembre 2021. Sa tâche « colossale », reconnaît-il volontiers, pour les deux à trois prochaines années, sera de remettre entièrement à plat la nomenclature des actes de l’ensemble des spécialités médicales. Chacune d’entre elles, représentée dans la classification commune des actes médicaux (CCAM), possède son Comité clinique d’experts médicaux (CCEM) – 38 au total – dont la tâche globale est d’examiner environ 13 000 actes, dont 109 spécifiques à la pneumologie.
La première CCAM datant de 2005, « cette réforme permettra de revoir les actes obsolètes mais surtout d’inscrire au plus vite les actes plus novateurs, plus pertinents, pour soutenir l’innovation au bénéfice des patients », a insisté le ministre. La mise à jour des nomenclatures participe au renforcement de la pertinence des actes, et est inscrite à ce titre parmi les engagements de la stratégie « Ma Santé 2022 », peut-on lire dans le communiqué de presse *.
Le HCN, nouvelle instance scientifique et indépendante créée par la Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, est composé à parité de professionnels hospitaliers et libéraux ainsi que d’économistes et de représentants des patients. Le HCN a été constitué par le Décret n° 2021-491 du 21 avril 2021 relatif à la révision de la procédure d’inscription d’un acte en nomenclature et au Haut Conseil des nomenclatures. Le Haut conseil a déjà terminé sa première mission, qui consistait à définir une nouvelle méthodologie de révision, validée par les partenaires conventionnels. Il va désormais piloter les CCEM, composés de dix à quinze experts à parité entre spécialistes exerçant dans les secteurs publiques et privés. A ce propos, les membres des CCEM, à l’instar du HCN, sont indépendants, sans liens d’intérêt avec la hiérarchisation des actes et les actes décrits, ni avec un syndicat professionnel.
Leur première mission consiste à hiérarchiser par ordre d’importance et de technicité les actes en pneumologie, selon le travail médical global défini par quatre paramètres : stress, durée, effort mental, compétence technique (fibroscopie bronchique avec lavage pulmonaire versus gazométrie artérielle, par ex.). « De cette nouvelle hiérarchisation déprendra la valorisation des actes », souligne le Dr Benjamin Huret, membre du Comité clinique d’experts médicaux en pneumologie du HCN.
Le second objectif est de maintenir, de modifier, de supprimer ou de regrouper certains actes de la nomenclature qui n’existent pas ou plus, ou qui ne sont plus pratiqués aujourd’hui. A l’inverse, de nouveaux actes pourront intégrer la CCAM, qui n’auront pas encore suivi le cheminement habituel de la validation par la Haute autorité de santé (HAS). « L’objectif est de mettre à jour la CCAM pour l’ensemble des spécialités, résume Benjamin Huret, afin que les actes s’y trouvant reflètent la réalité des pratiques actuelles. L’enjeu, à mon sens, est la valorisation d’activités existantes mais qui ne figurent pas dans la CCAM actuelle, à l’instar de la capnographie, ou de l’oxymétrie. Il existe également des actes répertoriés dans la CCAM mais jamais cotés (test aux bronchodilatateurs, etc.). Par ailleurs, avec les années, la réalisation de certains actes a pu être modifiée et facilitée, du fait des progrès techniques ou du transfert de compétence, du recours aux infirmiers en pratique avancée ou aux techniciens de sommeil, de l’arrivée d’analyseurs de prélèvements sanguins plus rapides et mobiles, de l’informatique qui a pris le relais pour des calculs que nous réalisions nous-même auparavant… Les pratiques ont changé, la nomenclature doit le refléter. »
La gestion des nomenclatures comporte deux volets : l’inscription des actes et leur tarification, laquelle aura lieu dans un second temps. « La grande inconnue est l’impact de cette redéfinition de la CCAM sur la tarification, et de fait sur l’exercice, en premier lieu libéral, souligne Benjamin Huret. Il faut garder à l’esprit qu’un « acte » en secteur libéral représente l’ensemble de la prise en charge et n’est pas réduit à sa seule réalisation. »
A la suite de cette profonde refonte de la CCAM, les partenaires conventionnels (UNCAM, syndicats, Etat) s’accorderont sur le volet financier en se fondant sur la hiérarchisation établie. « D’où une forte pression sur les CCEM », ajoute-t-il. Orientation politique, considérations médicales et économiques interviennent dans cette révision de la CCAM qui influencera certainement les pratiques.
Hélène Joubert
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