Les médecins pneumologues, quel que soit leur mode d’exercice, ont tout intérêt à participer à des registres et/ou à des observatoires au sein de leur spécialité. En effet, l’avenir de la médecine ne pourra se construire sans que les spécialistes constituent leurs propres bases de données, et ce en toute indépendance. Voici pourquoi.
Si, de manière générale, les données appartenant aux industriels nous échappent, il existe un autre problème majeur : les logiciels métiers utilisés aujourd’hui ne sont ni adaptés, ni conçus pour la collecte de données à large échelle utiles à la connaissance médico-technique et aux praticiens. Ceci parce que les données ainsi obtenues ne leur appartiennent pas, mais également parce qu’elles ne sont globalement ni disponibles ni exploitables dans un objectif d’améliorer l’activité du médecin. Le récent rappel des appareils de ventilation Philips défectueux illustre ces failles : il fut impossible pour la plupart des pneumologues d’extraire de leur logiciel métier lesquels de leurs patients étaient sous ventilation, et au moyen de quel type d’appareil ! Ces logiciels médicaux se bornent à répondre à la logistique quotidienne.
En revanche, participer à des registres, à des observatoires en pneumologie, est une solution pour conserver notre position clé dans l’évolution de la médecine et de la pratique médicale, et pour défendre notre spécialité. Notre force est de posséder nos propres données médico-techniques et organisationnelles. Or, sans analyses statistiques et scientifiques de notre pratique, nous sommes totalement démunis face à nos instances, afin de répondre sur notre activité et de revendiquer notre conception de l’exercice de la pneumologie. C’est là un problème aigu, qu’il serait fatal pour notre spécialité de minimiser.
Le corollaire de la participation à des registres est une médecine de qualité. Les autorités de santé l’ont bien compris : le fait de collaborer à un registre indépendant et répertorié par notre Conseil national professionnel de pneumologie (Fédération française de pneumologie) constituera, à compter du 1er janvier 2023, l’un des moyens de valider la certification périodique, le nouveau mode d’évaluation des pratiques des médecins.
Bon nombre de registres existent déjà au sein de la pneumologie, qu’ils soient monopathologies ou transversaux, conçus par et pour la profession. A ce titre, la FFP a mis en place depuis plusieurs années l’Observatoire sommeil de la fédération de pneumologie (OSFP) et le registre Asthme sévère ; le groupe d’endoscopie de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) a créé sa base de données de pneumologie interventionnelle (EpiGELF) ; etc. La liste de ces registres sera prochainement mise à jour sur le site de la FFP.
Certes, il s’agit d’un travail supplémentaire au remplissage du logiciel métier. Mais cet effort est incontournable tant que l’interopérabilité des logiciels médicaux n’est pas une réalité. Cette dernière est-elle d’ailleurs souhaitable si nous désirons rester indépendants et propriétaires de nos données ? Je n’en suis pas du tout certain.
Cet investissement de notre part, en tant que pneumologues libéraux, est essentiel afin de rester dans la course, afin d’être partie prenante dans la recherche, les pratiques, ainsi que la rémunération des actes et la prise en charge.
La profession doit s’en saisir, avant d’en être dépossédée. Par exemple, la base de données nationale de chirurgie thoracique Epithor®, initialement conçue pour produire des statistiques, est ensuite devenue un passage obligé pour être reconnu d’exercice en tant que chirurgien thoracique. Une reconnaissance non pas par les autorités de santé, mais par les pairs.
Si nous voulons que notre profession reste vivante ; si nous souhaitons faire valoir de manière exhaustive notre pratique de terrain ; si nous tenons à garder la main sur notre exercice spécialiste ; si nous désirons discuter sur un pied d’égalité avec nos partenaires payeurs et industriels… Alors, participons à des registres.
Bruno STACH
Président du SAR
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